Comment écrire la violence #2
I- Exercice de style et réécriture - avec Laure Murat et Christine Angot
Au mois de Septembre, j’avais préparé un texte sur la réécriture, aidée de l’essai de Laure Murat, Relire, enquête sur une passion littéraire - lié à la question de l’inceste.
Dans un texte pour la revue Edwarda qui paraîtra au mois de Janvier, j’ai écrit :
L’inceste, c’est la confiscation de la nostalgie, tout ce à quoi on ne peut pas revenir. On porte le noir de soi-même.
De l’éternelle réécriture et de la réécriture impossible à la fois.
La mémoire et le corps en constante agonie.
Il y a la persistance des souvenirs, ceux qui se défilent, ceux qu’on aimerait pouvoir projeter sur un écran, comme une preuve, pour les mettre hors de nous-même, et il y a tout ce qu’ils ne permettent plus : la partie de nous qui a été arrachée, toute une possibilité d’être, une forme d’insouciance, que l’on ne pourra réécrire.
Ce jour-là, humiliation de plus, j’ai été réduite au silence par la personne même qui m’avait commandé le texte : cette femme, ironie de la situation mettait ce jour-là en avant des oeuvres pour sensibiliser aux questions des violences d’incestuelles. Tout au long de l’évènement, j’ai été à ses yeux une forme fantomatique qu’elle n’a eu de cesse d’effleurer du regard, sans jamais s’attarder - ignorer tout en s’assurant d’une certaine prestance sociale, et politique, en soutenant de loin, par la pensée, par les regards de pitié d’une sympathie nauséeuse, est, après tout, le lot de toute bourgeoise blanche de gauche.
Parce qu’au commencement de toutes choses était l’amitié, une amie du même prénom, me propose de joindre l’équipe de Boeuf sans viande, soirée à laquelle je lis le texte Métamorphoses et lecture qui, s’il fallait marquer le temps comme une page écornée, sera elle aussi au commencement de tout un chemin jusqu’à Tunis et une vie de fricassés et de couchers de soleil.
Ce jour-là j’ai aussi rencontré une mère, une Maman du ciel1, qui peint les murs d’une myriade de couleurs pour les enfants du silence. Le lendemain, au téléphone, elle m’apporta la confirmation à la question : pour qui j’écris ? Depuis je tiens ce fil bleu dans la main, je le remonte lorsque je me perds, et lorsque je me demande si je ne voudrais pas plutôt m’arrêter sur le rivage et arrêter de creuser pour trouver les mots dans le sable, je repense à la petite fille que j’ai été, et la sienne, puis à toutes les autres.
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